
Comment réussir le grand oral du CRFPA
Méthodologie de l’épreuve
Focus sur le contexte du grand oral
Le grand oral est l’épreuve phare du pré-capa. L’accès au barreau est devenu examen national depuis 2017. Le programme a été modifié et notamment le Grand oral, épreuve difficile et stratégique. Les révisions étaient déjà très denses, s’agissant d’assimiler l’ensemble des DLF. La version 2017 apporte des changements :
-ce qui change c’est d’abord le programme de l’épreuve qui est élargi pour intégrer la « culture juridique générale »
-ce qui change, c’est ensuite la durée de l’entretien avec le jury est augmenté de quinze minutes
-ce qui change enfin c’est le coefficient de l’épreuve qui augmente s’agissant d’un coefficient 4.
En résumé : vous préparerez une heure, vous ferez un exposé de 15 minutes suivi d’un entretien de 30 min avec le jury.
Il est important de préciser que la note peut varier de 0 à 20. (on peut en déduire qu’il n’y a pas de note éliminatoire).
Face à l’enjeu de cette épreuve, comment parvenir à réussir cet exercice ? Quelle recette suivre pour les révisions ? Quelle méthodologie faut-il adopter pour maximiser ses chances de succès?
La réponse et donnée dans les 5 étapes qui vont suivre. 6 étapes qui permettront de vous apporter les outils nécessaires à la réussite du grand oral.
Etape n°1 : bien cerner la typologie des sujets
Réviser efficacement suppose connaitre avant tout ce qui vous attend dans le type de sujets qui tombera. Chaque année, quels que soient les IEJ, le type d’exercice proposé est un sujet de dissertation en rapport avec les libertés fondamentales. Deux exemples à vous donner :
-l’Union européenne et les droits de l’homme (sujet de l’IEJ Sceaux)
-l’Égalité des justiciables et individualisation des sanctions (sujet de l’IEJ Lyon 3). Dans le silence du Décret, d’autres types de sujets ne sont pas à exclure tels que le commentaire d’arrêt ( pratiqué à Montpellier), de texte, ou l’article de loi. Bien cibler la typologie des sujets susceptibles de tomber permettra d’anticiper votre optique de révision.
Après cette première étape, comment parvenir à traiter rapidement et efficacement de tels sujets dans le bref délai imparti de préparation?
C’est l’objet de l’étape n°2.
Etape n°2 : quand travailler le programme du Grand Oral ?
Les résultats d’admissibilité seront publiés en octobre. Les épreuves d’admission se dérouleront mi- novembre.
-Certains étudiants décident de dédier leur année à la préparation de l’examen dans le cadre par exemple d’une prépa annuelle. Dans ce cas, le travail est double. Il consiste d’abord à lire quotidiennement l’actualité juridique, politique, économique et sociale et à se faire des fiches en fonctions des thèmes dégagés. Il s’agira par exemple de classer les décisions de justice, les lois et les projets de lois par type de liberté publiques. L’étudiant devra en outre s’appuyer sur un ouvrage pour étudier les libertés publiques. A ce titre l’Oberdorff est utile puisqu’il peut être apporté le jour de l’épreuve. A noter aussi que l’ouvrage relatif aux DLF de Rémy Cabrillac est très apprécié par les étudiants comme outil de révision.
-Ceux qui n’ont pas le temps de consacrer un an de préparation à l’examen ou qui sont impliqués dans un Master ou autre diplôme ou encore un stage professionnel pendant l’année, ne commenceront à travailler le Grand oral qu’après les épreuves d’admissibilité, ce qui concerne beaucoup d’étudiants en pratique. Dans cette situation, un planning de travail strict sera nécessaire pour pouvoir faire face au lourd programme de révision.
Etape 3 : quelle méthode de travail pour l’apprentissage du Grand oral?
– Le premier travail à faire est un travail théorique : recenser l’ensemble des DLF en droit positif à travers un ouvrage et ficher les fondements juridiques nationaux et supranationaux pour chaque libertés ainsi que les règles relatives à leurs garanties et protection ( quelles sanctions et quelles juridictions en cas de violation des libertés publiques ?)
Par exemple : droit au respect de la vie privée : fondement national : art 9 CC ; fondement supranational : art 2 et 17 de la DDHC de 1789. Vous rechercherez ensuite pour chaque DLF les sanctions applicables en cas d’atteinte portée à l’exercice de ces droits et les juridictions compétentes pour contrôler la garanties de ces DLF.
Ex : juridictions : cour de cassation, CEDH
Ex : sanctions civiles : indemnitaires ( RCD) ; administratives ( annulation d un arrêté ) ; pénale ( amendes et/ou emprisonnement ex : excès dans la liberté d entreprendre et acte de concurrence déloyale)
Ex : sanctions administratives
– Second travail pratique à accomplir : recenser les sujets des années précédentes de votre IEJ. Dans la quasi-totalité de ces sujets, il est capital de pouvoir dégager un antagonisme entre deux DLF sous-jacents qui s’affrontent.
Prenons par exemple les 2 sujets suivants :
- Laïcité et religion
- la vie privée et réseaux sociaux
Dans le sujet : « laïcité et religion » : la neutralité de l état s’oppose a l’expression d un signe religieux parfois.
Liberté religieuse et respect de l ‘Ordre Public s’affrontent donc.
Dans le sujet « vie privée et réseaux sociaux », l’on retrouve le droit au respect de la vie privée et familiale qui s’oppose à une autre liberté sous jacente induite par les réseaux sociaux à savoir la liberté de la presse ou la liberté d’expression. Vie privée et liberté d’expression s’opposent donc ici aussi.
A partir de ces exemple, le travail va consister à recenser un maximum de sujets embrassant le plus de DLF possibles en s’aidant des forums d’étudiants ou des anales publiées de certains IEJ. Une fois ce travail exécuté vous devrez traiter ces sujets à travers un plan de type commentaire d’arrêt ou dissertation qui fasse apparaitre l’antagonisme entre les deux libertés fondamentales implicites ou explicites exprimées dans le sujet.
Vous aurez ainsi un plan « canevas », un plan type standard adaptable à n’importe quel sujet. Ceci vous aidera à gagner du temps et par conséquent à gérer votre stress.
– Le dernier travail, moins prioritaire si vous n’avez pas le temps dans le timing des révisions est de préparer et de mémoriser une citation par DLF. Elle servira à bâtir l’introduction de votre exposé oral et à donner une bonne impression au jury qui est sensible au premier contact pour être le plus concentré et à l’écoute à ce moment là.
4eme etape : l’élaboration d’un plan d’intervention
-Tout d’abord l’introduction.
L’introduction est capitale dans un exposé car elle permet au jury de prendre contact avec l’étudiant et de se faire une opinion sur la prestation. Elle permet en outre d’amener le sujet. L’idéal est de partir sur une citation.
Choisir une citation standard sur la définition des DLF en général et la ramener en entonnoir au sujet.
Exemples de citations sur les libertés :
« Fais ce que voudras. »
Rabelais (1494-1553)
« La porte la mieux fermée est celle qu’on peut laisser ouverte. »
Proverbe chinois
« L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté. »
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)
« La liberté est le droit de faire ce que les lois permettent. »
Charles de Montesquieu (1689-1755)
« Il faut que l’homme libre prenne quelquefois la liberté d’être esclave. »
Jules Renard (1864-1910)
« La liberté commence où finit la connaissance (J. Sauvan). Avant, elle n’existe pas, car la connaissance des lois nous oblige à leur obéir. Après, elle n’existe que par l’ignorance des lois à venir et la croyance que nous avons de ne pas être commandés par elles puisque nous les ignorons. »
Henri Laborit (1914-1995)
« Les hommes se trompent en ce qu’ils pensent être libres, et cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leurs actions, et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés. »
Baruch Spinoza (1632-1677)
« Ô Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! »
Manon Roland (1754-1793)
« L’homme est né libre et partout il est dans les fers. »
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)
« Être libre, ce n’est pas pouvoir faire ce que l’on veut, mais c’est vouloir ce que l’on peut. »
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
« En fait, nous sommes une liberté qui choisit mais nous ne choisissons pas d’être libres : nous sommes condamnés à la liberté. »
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
« Le plus libre de tous les hommes est celui qui peut être libre dans l’esclavage même. »
Fénelon (1651-1715)
« La liberté n’est pas oisiveté ; c’est un usage libre du temps. »
Jean de La Bruyère (1645-1696)
« Un homme libre ne doit rien apprendre en esclave. »
Platon (428-348 av. J.-C.)
« La liberté n’est rien quand tout le monde est libre. »
Pierre Corneille (1606-1684)
« Se vouloir libre, c’est aussi vouloir les autres libres. »
Simone de Beauvoir (1908-1986)
« Rien n’est si doux que la diversité ;Le changement de fers tient lieu de liberté. »
Gilles Ménage (1613-1692)
« Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté, doit commencer par leur garantir l’existence. »
Léon Blum (1872-1950)
« Essayez d’être libre : vous mourrez de faim »
Emil Cioran (1911-1995)
« Le peuple ne demande pas la liberté. Il demande le pouvoir. »
Lénine (1870-1924)
« Nul n’est plus esclave que celui qui se croit libre sans l’être. »
Wolfgang Goethe (1749-1832)
« L’homme est libre, sauf en ce qu’il a de profond. À la surface, il fait ce qu’il veut ; dans ses couches obscures, “volonté” est vocable dépourvu de sens. »
Emil Cioran (1911-1995)
« On ne peut penser librement que si l’on a la faculté de cacher absolument sa pensée. »
Gaston Bachelard (1884-1962)
« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire. »
Voltaire (1694-1778)
– définition des termes du sujet et l’enjeu ( contextualisation du sujet par rapport au passé et au présent) à l’image de l’intro de la note de synthèse.
Ex : sur la laïcité et la neutralité de l’état citez les récents procès par lesquels ce principe a été violé par la mise en place de crèches de tel dans les hôtels de ville ; en sommes se servir de l’actualité juridique pour reprocher le sujet du présent.
– problématique :
– Ensuite le plan
Au brouillon, il conviendra pendant le temps de préparation de bâtir une intervention en empruntant la technique du commentaire d’arrêt. Un plan en deux parties est intéressant pour privilégier la dichotomie et le raisonnement binaire, même si un plan en 3 parties n’est pas exclu en cas de nécessité.
Vous devez avoir « un canevas » , une ossature de plan standard que vous devez essayer d’appliquer en priorité quel que soit le sujet. Si ce plan est adaptable, il conviendra de l’appliquer pour ne pas perdre de temps le jour de l’épreuve à chercher le plan de l’intervention. L’expérience avec les élèves que j’ai en soutien a montré que l’on pouvait souvent dégager le plan standard suivant :
I- le droit à …. confronté à la liberté de …
A- Les fondements pluriels des DLF en présence
1- les fondements nationaux
2- les fondements supranationaux
B- l’antagonisme identifié entre le droit à …et la liberté de …
1-l’exercice d’un droit attentatoire à la liberté de ..
2-le préjudice subséquent relevé
II- La primauté donnée à la liberté de …face à l’abus du droit de …
A- l’abus dans l’exercice du droit de .. sanctionné
1- les sanctions civiles
2- les sanctions pénales ( ou 1- les sanctions reconnues au plan national 2- les sanctions reconnues au plan supra national )
B- des sanctions justifiées
1- la sauvegarde de la liberté de ..
2- la protection de l’ordre public
5eme étape : l’exposé oral
Comment réussir un oral ?
#Sur le fond tout d’abord.
Le travail préparatoire au brouillon doit contenir les éléments que vous avez recensés lors de vos révisions. Ce sont les fondements des DLF et les sanctions en cas de violation de ces droits. Le brouillon doit contenir des références culturelles qui montreront au jury la plus-value d’un candidat par rapport à un autre. Ces références culturelles seront des analogies du sujet avec une problématique littéraire, politique, économique ou un enjeu social. Pour ce faire, les références littéraires de votre cursus baccalauréat ou le suivi de l’actualité sera d’une grande aide.
#Sur la forme ensuite, les 5 commandements
1 – quelles sont les exigences de l’introduction? Elle devra si possible débuter par une citation que vous aurez préalablement apprise. Suivra la définition des termes du sujet, c’est à dire la définition des mots clés du sujet. L’enjeu consistera à relier le sujet avec le passé, le présent ou le futur. Le passé tout d’abord. Il s’agira de rattacher la notion phare du sujet à sa naissance dans le temps. Le présent ensuite. Si vous pouvez rapprocher le sujet d’une problématique actuelle telle qu’une loi ou une jurisprudence récente par exemple, n’hésitez pas. Le futur : le cas échéant, l’intérêt du sujet peut être trouvé dans le futur proche, c’est à dire que vous rapprocherez le sujet d’un projet de réforme. `
2 – la problématique : elle doit faire apparaitre l’intérêt du sujet qui est souvent l’antagonisme existant entre deux DLF qui s’affrontent.
Exemple concernant le sujet : les réseaux sociaux et la vie privée : en quoi l’utilisation des réseaux sociaux qui s’inscrit dans le cadre de la liberté d’expression peut-il porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ?
3 – annonce de plan : Exemple d’annonce de plan : si l’utilisation des réseaux sociaux est l’occasion d’exprimer son droit à la liberté d’expression, ce droit peut entrer en conflit avec le droit au respect de la vie privée dans certaines circonstances I). Le droit encadre cette situation en sanctionnant les abus commis dans l’exercice de la liberté d’expression II).
Si l’on décode le plan : I/ la confrontation entre deux DLF en présence, II/La primauté donnée à la vie privée sur la liberté d’expression.
4- Le langage oral.
– les formules : Concernant les développements un langage oral s’impose avec des formules différentes de celles utilisées à l’écrit. Une présentation orale linéaire de l’exposé écrit est à éviter. Mieux vaut revenir sur les parties et les sous parties énoncées. Ces « piqures de rappel » concernant les chapeaux et les transitions permettent de raccrocher constamment le jury à votre plan ce qui rend la démonstration plus claire et pertinente. Par exemple utilisez les formules « concernant le droit à la liberté d’expression, 2 fondements sont à énoncer : tout d’abord..ensuite …
- Se détacher des notes. Il convient de se détacher de ses notes. A cette fin vous aurez pris soin de ne pas rédiger votre brouillon et de privilégier l’utilisation de tirets, faisant ressortir les idées principales et quelques exemples. Cette technique vous forcera à exprimer vos idées par vous même sans donner l’impression au jury de lire, ce qui rend le discours moins percutant.
- Attention à l’attitude et la posture
L’attitude et la posture de l’étudiant sont très importante à l’oral.
# Tout d’abord, en entrant dites bonjour à l’ensemble des membres du jury. Evitez les formules individuelles qui pourraient froisser les susceptibilités.
# le temps de parole. Vous vous serez entrainé au préalable lors de galops d’essai pour respecter le temps de parole imparti. En effet il est important de ne pas être trop court afin que le jury puisse apprécier votre sens de l’organisation. Pour vous aider, une montre détachée posée sur la table sera d’un grand secours.
# l’attitude : lors de la prestation, vous pouvez choisir d’être assis ou debout au choix. Vous éviterez les tics ou les gestes consistant à croiser les jambes par exemple, à se gratter ou à se toucher les cheveux. Ces gestes « parasites » trahissent un stress et une absence de confiance en vous qui doivent être maitrisés dans le cadre du métier d’avocat plaidant qui demande de la confiance en soi.
Un conseil, posez vos mains sur la table en prestation assise, même si certains gestes appuyant votre discours peuvent révéler une force de conviction et sont donc bienvenus.
5- la conclusion
Il est conseillé de terminer le discours sur une conclusion qui reprendra en une phrase les 2 points phares développés. Il conviendra d’introduire la fin du discours par le terme: « pour conclure ».
-lors des questions : ne vous laissez pas destabiliser. L’expérience a montré dans certains jury la volonté de tester et de déstabiliser le candidat par des questions très pointues en procédure ou relatives à l’actualité face auxquelles nombre de candidats ont été destabilisés. Dans ce cas, le pire est le silence ou la réponse « je ne sais pas ». L’astuce est de tenter d’orienter votre réponse sur un terrain voisin au thème de la question afin d’amener le jury sur un thème que vous maîtrisez davantage.
Par exemple : répondre « cette question n’est pas sans rappeler le thème de ou la problématique de … Autre conseil, introduire une pointe d’humour dans vos réponses. L’humour devra être ». Enfin utilisez une juste dose d’humour. Justement dosé, l’humour permet souvent de se sortir de situations embarrassantes en tentant « d’attendrir » le jury et de le dissuader de rester sur un terrain « testeur ».